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Mine de rien, L’Assemblée est au cœur de la scène hip hop québécoise depuis maintenant une douzaine d’années. Une longévité louable pour un duo qui a toujours refusé de suivre des chemins tracés d’avance, comme en fait foi Persona non grata, quatrième album studio qui évite les infiltrations pop au profit d’un retour à un hip hop plus près de ses racines.

 

« Notre naissance remonte à 1998 et notre premier show à 1999. Quand je regarde ça avec le recul, c’est énorme! On a pu y parvenir parce qu’on a tout le temps eu la chance de faire à notre tête. La seconde où on est un peu tannés des spectacles, on retourne en studio, et vice-versa. Il y a des avantages à être indépendants!, » lance Ironik, qui fait équipe avec Narkoi. Le terme indépendant est effectivement tout désigné dans ce cas-ci, puisque Ironik, alias Maxime Truman, dirige sa propre compagnie de production, Iro Prod, ainsi que son studio d’enregistrement. Résultat : jamais il n’a ressenti la pression de s’adapter à un courant.

 

« Nous n’avons jamais fait les choses normalement. Nous venons d’arriver avec un album de seulement 10 chansons, dans un mois (janvier) que tout le monde évite. Et alors que nous sommes dans une ère pop, nous décidons d’offrir quelque chose de plus rap. C’est peut-être ça qui nous garde en vie, » poursuit-il. La tentation était pourtant grande de revenir à la charge avec un disque aux grandes aspirations radiophoniques, à la suite des succès considérables des titres « Turn Your Head Around » et « On est back », diffusés respectivement en 2006 et en 2008.

 

« Même si nous n’avions pas d’objectif radio avec “Turn Your Head Around”, c’est arrivé. On s’est assis pour l’album d’après (Encore) et on s’est dit qu’on avait goûté à quelque chose d’intéressant et inconsciemment, on a essayé de reproduire ça. C’était une bonne recette. En plus, nous avons pu participer à des gros festivals et toucher un plus grand public. Mais finalement, on s’est rendu compte que ceux qui écoutaient CKOI aimaient bien notre musique, mais n’achetaient pas plus nos albums. Non seulement ça ne nous faisait pas plus vendre mais ça nous a éloigné de nos fans de la première heure. On a donc réfléchi et on s’est demandé à quoi tout ça avait servi, » relate-t-il.

 

À quoi tout ça a servi? À revenir aux sources! Excepté qu’ici, au lieu de parler des joies des sorties dans les clubs, il est question du reniement des escapades nocturnes et de la paternité. « On ne s’est pas cassé la tête et on a fait les choses comme avant. Nous avons composé des beats très old school et nous avons envoyé nos maquettes à Delicate Beats (compagnie montréalaise spécialisée en services de productions d’instrumentaux, de mixing, de mastering ou de graphisme). Avec l’aide des frères Jean-Thomas et Louis Cloutier, nous sommes revenus à des arrangements plus contemporains. Oui, c’est un retour aux sources, avec quelque chose de plus rap. Nous sommes indépendants, donc on s’est parfois pété la gueule avant de revenir. La méthode du groupe, c’est l’essai-erreur, tant sur le plan business qu’artistique, » note Truman. Selon lui, cette attitude a non seulement fait la renommée du duo, mais elle a aussi influencé une génération d’artistes hip hop.

 

« On n’est vraiment pas pareils aux autres. On se tient loin des clichés. Je jouais de la guitare et de la batterie avant de faire du rap. Au début, ce n’était pas à la mode de dire : on ne fait pas que du hip hop, mais nous, on l’a tout le temps crié haut et fort. C’est pour ça que nous avons toujours été différents. Nous avons été parmi les premiers à intégrer de la guitare. Quand on écoute du hip hop aujourd’hui, il y a toujours de la guitare,  » souligne Truman.

 

Même du côté des collaborations, L’Assemblée a décidé d’aller à contre-courant en revenant à une recette plus minimaliste. Une approche qui s’oppose à celle de bien des artistes hip hop qui font constamment appel à une multitude d’invités pour enrichir leur œuvre. Sur Persona non grata, on ne retrouve que les voix de Narkoi et d’Ironik. « On n’a pas tenté d’avoir des invités. Au début, on veut toujours jouer avec des artistes qu’on aime et on l’a fait sur Gars du peuple et sur Encore. On n’a pas tant confiance en ses moyens quand on commence, même si on ne se l’avoue pas. Cet album-ci, on a voulu le faire nous-mêmes. C’est du 100% L’Assemblée. On a fait exactement ce qu’on voulait, avec des sujets ultra personnels. On rap beaucoup au je, avec des textes introspectifs. C’est ça notre marque. On fait ce qu’on est. »

 



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Lorsqu’un certain Maléco quitte les rangs du trio hip-hop acadien Jacobus et Maléco, les membres toujours en poste (Jacobus et Leks) se joignent à Tekstyle et Timo et se rebaptisent Radio Radio. Après un premier mini-album accompli et satisfaisant mais peu remarqué (Télé Télé) en 2007, le quatuor rassasie les amateurs de gros beats bien gras avec un vibrant premier disque complet (Cliché hot) en 2008. Chargé de rythmes percutants et denses et de textes en chiac (croisement entre le français et l’anglais) remplis d’ironie et d’humour, l’opus séduit par sa fraîcheur.

En février dernier, Radio Radio récidivait avec Belmundo Regal, un deuxième recueil plus cool, aux beats un brin plus raffinés et recherchés. Derrière l’intrigant titre se dissimule un hommage à l’un des monstres sacrés du cinéma français, mais aussi à la vie. Tout simplement. « C’est certainement un clin d’œil à Jean-Paul Belmondo, mais ça renvoie aussi à l’idée du “beau monde” : la terre est belle, la vie est belle. On avait envie de renouer avec cet esprit de joie, de célébration. C’est un album plus calme et naturel, même si on fait encore la fête. Fêter et danser, c’est notre raison d’être. Tu nous enlèves ces choses et nous ne sommes plus rien. La seule différence, c’est qu’on s’est déplacés pour faire la fête, maintenant qu’on habite tous en ville, » soutient Alexandre Bilodeau, alias Leks. En effet, Bilodeau et son acolyte Gabriel Malenfant, alias Tekstyle, se sont installés à Montréal. Seul Jacques Doucet (Jacobus) réside en Ontario.

Si Belmundo Regal se veut plus décontracté dans l’ensemble que son prédécesseur, l’absence de Timo, MC de choc particulièrement doué, y est sans doute pour quelque chose. Le quatuor acadien est ainsi devenu un trio l’an dernier à la suite du départ volontaire du populaire MC. « Ce n’est pas une chicane interne, assure d’emblée Bilodeau. C’est un gars qui a un immense talent. Il sait divertir les foules, mais c’est aussi quelqu’un dont la musique est axée sur la testostérone. La nôtre est davantage axée sur l’œstrogène ! Tu vois ce que je veux dire ? En même temps, il a eu une petite fille. Passer tout ce temps sur la route était difficile pour lui. Il s’ennuyait de sa fille et sentait que sa place était avec sa famille. Je le respecte énormément, mais au niveau de la musique, on avait atteint un point où on avait fait ce qu’il y avait à faire ensemble. »

Alors qu’Alexandre se charge de la composition et de la production des morceaux du trio, le reste du travail créatif s’effectue en équipe… et aussi en solo. « Des musiciens reprennent les parties écrites et chaque membre du groupe écrit ses propres textes. Puis, on commence à jammer sur des musiques émanant de claviers et de machines tout en continuant de prendre des notes. On a chacun nos intérêts respectifs à part de la musique et on puise notre inspiration ailleurs. Tout à coup, tout prend forme. Tu sais, beaucoup de musiques sont sombres aujourd’hui. Il y a beaucoup de mélancolie et de tristesse. On parle de destruction, de fin du monde. On veut mettre un peu de positivisme dans la vie du peuple. On veut que les gens nous écoutent et se sentent mieux après, » raconte-t-il.

Fuyant toutes questions et idées politiques, les gars de Radio Radio ne sont aucunement intéressés à incarner des porte-étendards des provinces maritimes ou à soutenir un discours le moindrement engagé. Une des clés de leur succès, selon Bilodeau. « Avec Jacobus et Maléco, on retrouvait une énergie qui revendiquait une fierté acadienne. Nourris par notre ignorance de la scène musicale, on se sentait obligés de revendiquer cette fierté. Des membres du groupe ont fini par se sentir inconfortables là-dedans. On s’est rendus compte qu’il n’était pas nécessaire de raconter notre histoire et nos difficultés. On se fout de la gauche ou de la droite. C’est le yin et le yang. L’un a besoin de l’autre. On voulait plutôt se réunir et célébrer. C’était important de se libérer des contraintes de la défense de l’Acadie. Malheureusement, encore beaucoup d’artistes ressentent le besoin de représenter cette région. Ils ne comprennent pas qu’en faisant moins, on aide sa cause. Je considère qu’il est plus pertinent de parler de la vie en général. »

En plus de se préparer tranquillement à une tournée estivale (Québec, Nouveau Brunswick, Nouvelle-Écosse et Îles-de-la-Madeleine, entre autres, se retrouvent sur leur itinéraire), les gars de Radio Radio bossent sur un projet d’émission de radio qui pourrait être diffusée sur le Web au cours des prochains mois. « On veut se brancher, se faire entendre et prendre un contrôle créatif sur les médias qui nous entourent. On a une façon assez originale de penser, un style de vie particulier. Des petits gars de l’Acadie qui aboutissent en ville, ça a une perception intéressante de la société moderne, non ? On veut faire ça en toute liberté et produire des émissions quand ça nous dit. Dans le fond, c’est à l’image de ce que Radio Radio a toujours été : des gens qui apprécient pleinement la vie et te la font apprécier. »



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Contrebassiste autodidacte, Alain Bédard voit le jour à Beauport. Formé en musique classique à l’UQAM, il amorce une carrière de musicien au cours des années 1980. C’est vers la fin des années 1990, alors qu’il travaille à l’UQAM comme conseiller à la collection CD-UQAM (un petit label créé par l’université afin de promouvoir des projets de professeurs et d’étudiants) que l’idée de fonder un label jazz lui effleure l’esprit. « Personne ne s’occupait des projets de musiciens québécois et des gens de l’underground. On présentait des projets aux principales compagnies et ça ne fonctionnait jamais. J’ai pris de l’expérience en partant de petites collections internes à l’université et je me suis occupé de sonorisation dans une salle de spectacles où l’on présentait des concerts jazz. Les musiciens passaient au club et me racontaient que ce serait bien que je fonde une étiquette jazz. J’ai fini par démarrer un petit collectif et de fil en aiguille, le label a pris son envol, » raconte le musicien et éditeur.
Et quel envol ! Depuis la fondation d’Effendi Records (titre d’une pièce du pianiste américain McCoy Tyner) en avril 1999, le label jazz a fait paraître, en moyenne, une dizaine de nouveautés par année, en plus de remporter trente prix prestigieux. Aujourd’hui, il est devenu une véritable référence en matière de jazz local contemporain. Pourtant, les sceptiques furent nombreux lors des premiers balbutiements de l’étiquette. « Les journalistes écrivaient qu’on était fous de démarrer cette entreprise. C’était terriblement risqué, casse-cou. Tous pensaient qu’on allait se planter. D’autant plus qu’on misait sur de la musique originale, des créations. Finalement, on est l’un des seuls labels de jazz à avoir survécu ! Au fil des ans, les ventes ont augmenté. L’an dernier, on a atteint notre plus important chiffre de vente et cette année, j’espère qu’il augmentera encore ! » lance Bédard, la voix vibrante.

Si les choses tournent rondement au cours des premières années d’activité du label mis sur pied par Bédard et sa compagne, la chanteuse Carole Therrien, ce n’est qu’en 2002 que les Éditions Effendi naissent, et ce, après une funeste découverte. « Aucun musicien n’avait déclaré ses œuvres. Il y avait un sérieux problème. Je savais qu’il était possible d’aller chercher des revenus supplémentaires et c’est à ce moment que j’ai décidé de mettre sur pied des éditions. Depuis, on déclare les œuvres et on a effectué de nombreux contrats d’édition et même de sous-édition en France. » En effet, en plus de placer de la musique sur des projets en collaboration avec des bibliothèques et des musées, les Éditions Effendi ont prêté des titres à des pièces de théâtre, des projets de danse et même des extraits sonores diffusés à bord des avions d’Air France.

Bourreau de travail

En plus de vaquer à ses fonctions de président et fondateur du label Effendi, de jouer des rôles de chef d’orchestre, réalisateur, musicien et compositeur, Bédard se révèle aussi l’instigateur du festival Jazz en rafale. Beaucoup de chapeaux à porter pour un seul homme. « Je travaille six jours par semaine ! Il n’y a pas d’autre recette pour arriver à tout faire. Je ne compte pas les heures de travail. Je commence tôt le matin et je termine vers minuit. Comme je suis aussi musicien, parfois, j’ai des concerts les fins de semaine. Même si je suis plus souvent au bureau que sur une scène, je travaille toujours la composition. C’est une façon pour moi de relaxer et ça se fait assez naturellement. Dès que j’ai un moment de libre, c’est ce que j’aime faire. Je ne pourrais m’en passer, » avoue-t-il.

Période de transition

Malgré les difficultés économiques et l’industrie du disque qui s’étiole depuis quelques années, Effendi ne montre pourtant pas de véritables signes d’essoufflement dans un proche avenir. Après la faillite de son distributeur principal en 2008 (Fusion III), l’entreprise s’est courageusement relevée et n’a jamais regardé en arrière. Carburant à la passion jazz, Bédard compte toutefois faire paraître un peu moins d’albums à compter de l’an prochain, et ce, à cause de coupures du Conseil des arts du Canada. « Il va falloir gérer nos projets d’une façon différente. Quand ça va mal, les gens se serrent les coudes et travaillent plus étroitement. On va peut-être miser davantage sur les éditions et tenter de placer des titres dans des films, des productions audio-visuelles. Les distributeurs ont mangé leur claque. Sur notre site Web, on peut télécharger nos disques. Les choses changent. On est devenus, en quelque sorte, les distributeurs. On vit une période de transition et on va faire les choses un peu différemment car il va falloir ouvrir de nouvelles portes. Cela nécessite une collaboration encore plus étroite avec les musiciens, mais on va continuer de sortir des projets à un rythme régulier, » assure-t-il.
Renfermant approximativement 1200 titres à ce jour (et 100 albums enregistrés sur le label), le catalogue d’Effendi continuera de croître lentement mais sûrement. On permettra à des musiciens tels que François Bourassa, Michel Donato, Yves Léveillé, Yannick Rieu et Jean-Pierre Zanella d’enregistrer des projets pour le label. Alain Bédard : « Ce n’est pas l’industrie qui m’intéresse mais bien la musique, l’aspect créatif et les gens. Depuis qu’on a démarré l’étiquette, les musiciens se sont incroyablement améliorés, tant sur le plan de la scène que de la composition et de leur organisation. Ils auront toujours quelque chose à dire et nous serons à tout jamais en étroite relation avec eux. »