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Si c’est en 2003 que Manu Militari se fait remarquer sur scène alors qu’il sévit au sein du groupe Rime Organisé, c’est à la suite de la parution de son premier album, Voix de fait (2006), qu’il fait tourner les têtes. Faisant preuve d’un charisme et d’une intensité peu communs, Manu devient rapidement l’un des représentants de choix de la scène hip-hop québécoise. Débarqué dans les bacs à la fin de 2009, Crime d’honneur, son deuxième opus, poursuit là où il avait laissé et carbure à l’urgence tout en abordant des sujets un peu plus personnels et variés. Pourquoi l’attente fut-elle aussi longue ? « Après Voix de fait, je n’avais plus envie d’écrire. Je pensais que j’arrêterais de faire de la musique. J’ai fait ce premier album parce que je voulais faire de la musique depuis des années. J’en rêvais mais je ne faisais rien. Je me suis dit que j’allais tout donner pour cet album et que je serais ensuite en mesure de tourner la page et faire autre chose de constructif. Puis, l’album a commencé à se vendre un an après sa parution. Je me suis dit qu’il y avait peut-être un avenir pour moi là-dedans, » raconte le jeune homme.

Séduit par la culture rap à l’âge de 16 ans avec la découverte du collectif new-yorkais Wu-Tang Clan, Manu Militari ne se considère pas pour autant comme un rappeur même si l’argent demeure sa principale source de motivation. « Je n’ai pratiquement rien en commun avec la plupart des rappeurs d’ici, estime-t-il. Ce que j’aime, c’est cette possibilité de dénoncer avec cette musique qui m’a toujours rejoint. Ça vient de la rue. Mais je ne m’en cache pas, j’aimerais rouler en BMW, avoir une belle maison. L’argent n’est pas un sujet tabou pour moi. Aujourd’hui, je vois que j’ai la possibilité d’en faire. J’en ai fait avec le dernier album, j’espère en faire autant avec le prochain, tout en restant fidèle à qui je suis. »

Lorsqu’on lui demande ce qu’il deviendra dans dix ans, il se contente de demeurer vague. « Peut-être producteur et m’occuper de la carrière d’un seul artiste talentueux. Qui sait? Tout ce que je souhaite est que ma musique demeure le reflet de ma personne. »

En marge de la société
Fin observateur du quotidien et des nombreux maux de la société moderne, le M.C. montréalais de 31 ans signe des textes toujours aussi bien ficelés sur Crime d’honneur : réfléchis, pertinents et sans concession. « La moindre émotion est prétexte à l’écriture d’un texte. Il faut dire que je n’ai pas un quotidien banal. Je côtoie des gens qui ont des vies remplies de rebondissements. Des gens en marge de la société qui vivent sur la corde raide. Tout ça me nourrit énormément. Le premier album respectait plus les règles en street rap. Sur le deuxième, je me suis lâché lousse. J’ai davantage précisé mon style, » avoue le récipiendaire du Félix de l’album hip-hop de l’année lors du dernier Gala de l’ADISQ.

Une aventure extraordinaire
Autre élément qui nourrit l’artiste : ses fréquents voyages au Moyen-Orient. « L’Égypte, c’est comme mon chalet,  lance-t-il. Lorsque je suis débarqué là-bas pour la première fois, à 20 ans, j’étais en immersion totale. J’allais au café et personne ne parlait français, alors j’ai été forcé d’apprendre la langue. »

Lors de sa cinquième escale à vie, en janvier dernier, il souhaitait s’offrir un mois de vacances pour écrire et se reposer. Toutefois, deux semaines après son arrivée, il s’est retrouvé en plein cœur du soulèvement en Égypte. « Étant quelqu’un d’assez désillusionné, ça m’a giflé et fait énormément de bien. La chose qui m’inspire le plus est l’être humain. Là-bas, j’ai vu des choses merveilleuses. Des actes de bonté, de sacrifice, d’entraide, de générosité comme je n’en avais jamais vus. Lorsque je suis revenu à la maison, j’ai pleuré pendant deux jours. Je ne réalisais pas à quel point j’avais vécu une aventure extraordinaire, » relate-t-il, la voix vibrante.

Le hip-hop n’existe pas
Même s’il n’écoute plus de hip-hop québécois à la maison, Manu a grandi avec la musique de Sans Pression, Yvon Krevé et compagnie. Il déplore l’éclatement qu’a connu la scène hip-hop récemment. « On a eu de belles années. On pensait que c’était la naissance de notre hip-hop, mais c’était plutôt son âge d’or. C’était un hip-hop métissé, rassembleur, racé. On s’identifiait à ces gens, mais ils n’ont pas su fidéliser leur public et on a cessé de les suivre. On aurait pu bâtir là-dessus et avoir des modèles. Aujourd’hui, pour moi, le hip-hop québécois n’existe pas. Chaque communauté reste dans son coin. Il n’y a aucune unité, » soutient-il.

Des mois particulièrement chargés attendent le rappeur montréalais. En plus de fouler les planches de plusieurs scènes québécoises, il poursuit l’écriture de son prochain opus. Date de livraison ? Inconnue pour l’instant. Après avoir vendu près de 10 000 copies de Crime d’honneur, Manu ne souhaite pas ralentir la cadence. « Je n’arrête plus maintenant. Ça va très bien. Je veux faire encore mieux pour le prochain album. J’ai enregistré des chansons dont je ne suis pas satisfait. Elles n’iront pas sur l’album. Je ne me donne pas de limite de temps. Je veux l’aimer, ce prochain disque. Ne plus m’imposer de limites au niveau des sujets. Je suis heureux de la chance que j’ai en ce moment. Je n’ai pas de patron qui m’attend au bureau. C’est un privilège et je tiens à le conserver à tout prix. »



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France D’Amour se met au jazz. Oui, oui, l’auteure-compositrice-interprète, celle qui marquait la Belle Province en 1992 avec le disque Animal, se lance dans une nouvelle aventure, et en anglais de surcroît. Un album qu’elle intitule Bubble Bath & Champagne. Transfiguration? Changement de vie? Pas tout à fait. L’amoureuse du jazz des années 20, 30 et 40 avait depuis une dizaine d’années l’habitude de terminer ses concerts avec quelques classique du genre, de « Unforgettable » à « I’ve Got You Under My Skin ». « Les gens venaient me voir à la fin de mes spectacles pour me dire à quel point ils aimaient ces reprises, qu’ils en auraient pris pendant une heure de temps. Sylvain Cossette et Lynda Lemay m’avaient aussi dit comment ils me trouvaient naturelle avec cette énergie jazz. »

L’idée fait son chemin. En 2009, France D’Amour tente l’aventure sur scène où elle initie Jazz D’Amour, une vingtaine de spectacles partout à travers le Québec. Encore une fois, France est surprise par la réponse, les bons mots des fans qui en redemandent. Pourtant, elle éprouve une gêne, un vague sentiment d’imposture. « Je commençais mon spectacle en demandant s’il y avait des vrais fans de jazz dans la salle. Quelques mains se levaient. Je disais alors que j’allais les rembourser car je ne suis pas une spécialiste du jazz. On est très loin ici du free jazz ou du jazz fusion. »

 

Un retour au source

La petite histoire de France D’Amour révèle que la musicienne n’est pas une néophyte pour autant. « C’est la première musique que j’aie entendue à la maison. Mes parents prenaient des cours de danse et ils écoutaient de la musique de ballroom, Count Basie et compagnie. Je me suis rappelé dernièrement que j’écrivais des paroles sur ces classiques-là. » Plus tard, elle étudie également le jazz au Cégep de Saint-Laurent. Bien que se lancer dans une série de spectacles de reprises jazz est une aventure en soi pour une rockeuse, écrire des chansons jazz en vue d’un album complet en est une autre. Il y a là tout un chemin à parcourir, un curieux concours de circonstances. Alors que France D’Amour se décide à enregistrer des standards jazz, elle se met à la composition à la maison après ses journées d’enregistrement. « J’aime tellement composer que c’était plus fort que moi. » Un matin, elle présente à ses musiciens et au réalisateur Guy Tourville – avec qui elle coréalise l’album – « I want more », une pièce de son cru. La réponse est immédiate. « Ils ont adoré. J’ai alors réalisé que je me retenais souvent en pop pour ne pas aller vers des harmonies jazz. Alors là, j’en ai profité, je me suis défoulée, je me sens comblée… »

Après 20 ans de carrière, France s’offre un cadeau, Bubble Bath & Champagne qu’elle produit elle-même, en licence chez Tandem.mu – ce qui signale son départ de la maison de disques Tacca après huit albums. Jazz rime ici avec liberté. Aucune limite mélodique n’a été imposée, aucune chanson raccourcie pour correspondre aux diktats des radios. « Au départ, c’était difficile car tout était ouvert et possible… Est-ce que j’y vais électronique? Avec des cuivres? Ou des cordes? Est-ce que je garde ça simple en combo jazz? Je me suis posé beaucoup de questions car je n’avais aucune formule à respecter. J’ai appelé beaucoup d’amis du milieu, comme Alain Caron et Coral Egan. » Le résultat? Bien que Bubble Bath & Champagne ait été, pour France D’Amour, l’album le plus long à produire, il est aussi celui où la production se sent le moins, où les atmosphères ont primé sur une certaine efficacité. Solos d’instruments et changements d’ambiances procurent une nouvelle expérience musicale à France, qui a pour l’occasion collaboré avec de nouveaux musiciens (Samuel Joly à la batterie et Philippe Turcotte au clavier), des férus de jazz.

Dans la langue de Cole Porter

Changement de style, mais également changement de langue. Bubble Bath & Champagne ne comprend qu’une seule chanson en français, « I want more », dont France D’Amour est l’auteure. C’est grâce à Corinne Simon-Duneau, une amie française traductrice de films hollywoodiens autrefois mariée à un écrivain américain, que France D’Amour se permet de rêver à des textes dans la langue de Cole Porter, prolifique compositeur et parolier américain respecté par la chanteuse. « J’ai envoyé mes musiques à Corinne, mais aussi des impressions, des ambiances, une phrase qui m’habite comme “Sorry, I’m Happy”. Elle est arrivée avec des paroles qui m’ont carrément séduite. Si ça n’avait pas été le cas, je ne crois pas que je me serais lancée dans une aventure en anglais. » Question de bien faire les choses, France D’Amour fait venir un réalisateur australien, Robert Meister, qui s’assure en une semaine de la bonne prononciation de la chanteuse. « Je voulais que les Anglophones aussi me comprennent, sans devenir caricaturale. » Et malgré cette nouvelle direction, France D’Amour reste fidèle à elle-même, à son énergie, à ce bonheur en bouche simple et évident.



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Comment un groupe de musique surtout instrumentale, fusion de soul, jazz, afro, funk et latin, à la carrière relativement confidentielle dans son pays, peut-il arriver à se créer une place sur la scène internationale et graver son dernier album sur l’étiquette londonienne Strut? Eh bien, il faut accepter de passer énormément de temps sur la route, réunir des musiciens fous de leur art et développer un son unique. Le compositeur, claviériste et percussionniste de formation classique Pierre Chrétien, 33 ans, originaire de Sudbury, confie avec son inimitable accent du nord de l’Ontario :

« Tout est arrivé graduellement. Les gens de Strut Records nous connaissaient par la radio anglaise, entre autres grâce au légendaire animateur radio anglais Gilles Peterson de la BBC Radio 1 qui nous a fait tourner pas mal. D’ailleurs, la planète funk/soul étant quand même assez petite, tout le monde connaît tout le monde. Le label londonien voulait faire un remix d’une chanson d’un artiste des années 70, Horace Andy, un chanteur reggae jamaïcain. N’étant pas des DJ, on l’a recomposée et réenregistrée en studio. “Watch We” est sortie en single et a connu du succès. Le personnel de Strut Records a tellement aimé notre travail qu’ils nous ont demandé un album. Ça a donné Rising Sun. »

Également gérant et agent de tournées au Canada pour le groupe, Pierre Chrétien précise leur modus operandi : « Nous préférons signer nos contrats pour un seul album à la fois. On enregistre les albums nous-mêmes et on paie tous les coûts. On conserve les droits de la bande maîtresse et on donne des licences (entre un et sept ans) à des maisons de disques pour l’exploitation [Freedom No Go Die est paru en 2006 et Manifesto en 2008, tous deux sur le label torontois Do Right!]. Aucun de nous n’a une formation en marketing ou affaires, mais on a appris les trucs du métier soit dans les livres, soit auprès d’autres artistes au cours des 10 dernières années. »

Le groupe s’est beaucoup modifié au fil des ans : « On s’est tous rencontrés il y a longtemps à Ottawa, Steve (Patterson) est là depuis nos débuts en 2002, lorsqu’on était un trio avec un batteur qui a quitté depuis. Il a été remplacé par Philippe Lafrenière, puis nous sommes devenus un quatuor avec Ray Murray, puis Zak Frantz, un Américain s’est joint à nous, et enfin Marielle Rivard. Ça prenait une fille! Depuis cinq ans, le groupe est stable. » Tous les musiciens ont des formations différentes, qui en jazz, qui en soul ou en musique latine, et tous adorent improviser sur scène.

« J’ai une formation classique, une maîtrise en composition et théorie musicale de l’université d’Ottawa, poursuit Pierre Chrétien, mais j’ai tout de suite été intéressé par la musique africaine, les rythmes, le jazz et son improvisation. Parmi mes sources d’inspiration, je dirais Fela Kuti, créateur de l’afrobeat (alliage de funk, de jazz, de highlife et de musique yoruba). James Brown, Pharoah Sanders, Mulatu Astatqé, Duke Ellington et Maurice Ravel sont d’autres grandes influences.

« On a joué de centaines de spectacles au Canada, dans toutes sortes de festivals et de salles de spectacles, de Calgary à Halifax, énumère Pierre. Virgin Music Festival, Toronto Downtown Jazz Festival, Toronto Beaches Festival, Toronto NuJazz Festival, Ottawa Bluesfest, Ottawa Jazz Festival, Ottawa Folk Festival, London Sunfest, Guelph Jazz Festival, Kingston Jazz Festival, Jazz Sudbury Festival, Atlantic Jazz Festival (Halifax), Harvest Jazz and Blues Festival (Fredericton), Stewart Park Festival (Perth), Westport Music Festival, Afrikadey (Calgary), le Festival International de Jazz de Montréal, le Festival d’été de Québec, Festi Jazz Rimouski, et j’en passe. On a aussi joué lors de certains des plus grands festivals au monde : Glastonbury Festival (Grande-Bretagne – 180 000 spectateurs), le Festival Solidays (Paris, France), Fiest’a Sète (France), etc., mais aussi dans les clubs (Les Bobards, Le Divan orange). Notre musique est dansante, et on s’amuse beaucoup ensemble et avec les spectateurs. »

En plus de ses responsabilités d’organisateur, Chrétien est le seul compositeur du groupe mis en nomination pour le prix Juno de l’Album instrumental de l’année 2011. Où trouve-t-il le temps? « C’est quand je peux. J’ai tout le temps quelque chose en tête, je conserve des papiers à partition dans mes poches, je suis très low-tech. Et dans les trains, en tournée, je compose les arrangements et je les écris. C’est assez rapide. J’ai écrit environ 200-300 chansons à ce jour. Quand on arrive pour enregistrer, le groupe et moi on en teste et on choisit une dizaine de celles qui nous plaisent le plus à ce moment-là. »

La dimension internationale de leur carrière est importante : « En Europe et aux États-Unis, nous avons des agences de promotion et ça marche fort. Là nous revenons d’Europe où pendant un mois nous avons fait une tournée en France, Angleterre, Allemagne, Autriche, Suisse, Grèce et Belgique. Nous sommes au Canada jusqu’à la mi-juin puis nous retournons en Europe pour un autre mois, dans des endroits comme la Croatie, la Turquie, etc. Visitez notre site, tout est là! »

Comme si ce n’était pas assez, le groupe se produit aussi dans une autre configuration. « On commence un autre projet avec les mêmes musiciens, plus un bassiste et un trompettiste, pour accompagner un musicien qui s’appelle Slim Moore. Il est Jamaïcain d’origine, mais né à Overbrook, en Ontario. On vient d’enregistrer un album, Introducing… Slim Moore and the Mar-Kays. C’est encore moi qui compose les chansons, de style très soul. On va le donner en licence pour qu’il sorte prochainement. À l’automne, on fera une tournée au Canada ainsi qu’aux États-Unis et en Europe avec cette nouvelle formation, » promet l’infatigable Chrétien, qui malgré ses horaires implacables, conserve une attitude cool et relaxe. Une soul attitude, quoi.