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Avec Mi-Carême!, Suroît réaffirme sa place privilégiée au sein de la musique traditionnelle au Québec et à l’étranger.Un pied dans la tradition, l’autre dans la modernité avec essentiellement des créations originales, le quatuor originaire des Îles-de-la-Madeleine s’est vu offrir un cadeau de famille pour la réalisation de son 10e disque que signe Éloi Painchaud, fils d’Alcide, feu co-fondateur du groupe, il y a de cela 32 ans. Vrai que Suroît a toujours été une histoire de famille, et hormis les liens filiaux qui unissent ses membres, c’est bien cet esprit de la fête qu’ils partagent tous afin de garder les musiques traditionnelles vivantes et le plaisir de jouer, intact.
Sur la pochette de Mi-Carême!, les quatre membres actuels de Suroît portent des masques de la commedia dell’arte, une tradition toujours en vogue aujourd’hui et que connaissent bien les insulaires. À la mi-mars, pour annoncer le printemps, et interrompre cette période de jeûne le temps d’une grande fête, les gens, masqués, passent de porte en porte pour lever le coude, partager des victuailles et faire de la musique. « C’est dans cet esprit de Mi-Carême, un état second, qu’on a passé six semaines de bonheur à faire notre album, explique Henri-Paul Bénard, doyen du groupe. Quand Alcide Painchaud est décédé, peu après la parution de Prends le temps en 2002, on a dû se ressaisir afin de conserver l’âme du groupe et assurer la continuité. Et quand Éloi Painchaud nous a approchés pour réaliser notre nouveau projet, et comme son frère Jonathan (Okoumé) allait signer une chanson, on savait que ce serait intense. Il y a eu des rires et des larmes, mais surtout de grands bonheurs. »
Pas de « faces de carême », donc, sous les masques pour Henri-Paul Bénard (voix, guitare, mandoline, accordéon, osselets, guimbarde), Félix Leblanc (violon, voix et guitare), Luc Bourgeois (guitare, flûte, cornemuse, basse, voix) et André Cummings (batterie, percussions, voix) qui, avec les frères Painchaud, ont vraiment pris leur pied en concoctant ce réel antidote à toute déprime. « Déjà, les productions de Suroît faisaient entendre le métissage de toutes les influences musicales gardées de nos nombreux voyages, ici et à l’étranger, poursuit Henri-Paul. Et c’est la même chose pour tous les membres qui sont passés dans notre formation au fil des ans, et qui y ont laissé leur marque, leurs couleurs musicales. » Les folklores québécois, celtique, irlandais, breton, avec toute leur belle panoplie d’instruments, Suroît a toujours su s’inspirer de ces sonorités pour les intégrer à ses compositions originales, textes et musiques.
Les souffleurs de Suroît
Il faut savoir que c’est Éloi Painchaud qui a approché le groupe pour la réalisation de Mi-Carême! « Éloi a été la canalisateur de nos talents, de nos énergies, de nos émotions pour homogénéiser le son, précise Henri-Paul. Éloi nous a dit : “on va faire de belles choses, mais il va falloir enlever vos vieux gilets”. À travailler tous les quatre ensemble tout le temps, on finit par manquer de recul, et d’avoir eu Éloi comme oreille extérieure, ça a permis de mieux percevoir les touches personnelles de chacun. Éloi et Jonathan ont été les souffleurs de Suroît, le vent qui apporte les bonnes nouvelles! » Mi-Carême! fait donc entendre un son plus pop, plus actuel. Et Éloi était bien placé pour ce travail, parce que, enfant, il a entendu Suroît jouer dans son salon. Il a fait « sortir les trippes » et leurs racines des membres du groupe sans les dénaturer. Au point que Suroît a même dû réapprendre ses propres pièces qui étaient passées par le prisme du réalisateur et des nombreux jams collectifs!
Henri-Paul explique l’origine des pièces, mais se garde bien de jouer aux intellectuels, car « tout ce qu’on fait est d’abord instinctif». La pièce « La Mi-Carême » a été composée par Éloi Painchaud (auteur aussi de « Salut Pee-Wee »), qui la destinait, à l’époque, à une musique de film. Mais il leur a avoué avoir toujours eu Suroît en tête tout au long du processus de création. « C’est devenu le concept et le titre de l’album, alors que Jonathan, qui avait écrit “La Belle et l’Anglais” (paroles d’Hugo Perreault) pour Okoumé, s’est vu offrir de la mettre sur l’album et même de l’interpréter, en plus de signer “La jolie Madeleine”. » On peut sortir un Madelinot des Îles, mais l’inverse est énergie perdue!
D’autres titres ont vu le jour tout à fait différemment et sont le fruit de cette inspiration traditionnelle qu’on leur connaît. C’est que Suroît travaille étroitement avec la co-auteure Caroline Desbiens. « Nous, on lui raconte nos histoires, elle écrit des textes poétiques, et nous nous les réapproprions pour en faire des chansons, » explique Henri-Paul. Ainsi a été créée « Simone », une chanson à répondre sur une musique traditionnelle québécoise. De même pour « Bonheur à l’envers » et « Mets d’la danse à tes semelles » dans lesquelles Suroît insuffle son esprit festif, avec violon et podorythmie, et de superbes harmonies vocales qui sont aussi une des marques de commerce de Suroît. Le pièce « Trois capitaines » fait référence aux naufrages que vivent les insulaires, dont celui de 2008 où des chasseurs de phoques ont sombré au large des Îles, et durant lequel le beau-frère de Félix a notamment perdu la vie.
Et que dire des superbes arrangements des quelques pièces instrumentales telles « Rosalie », une ballade-complainte dépouillée des plus touchante, « Fusion », acoustique-électrique et beau délire musical, ainsi que « Le reel à Charlélie » dans la plus pure tradition festive. Suroît reprend même « Chanson démodée » de Gilles Vigneault, absolument méconnaissable sous ses moteurs énergiques. Oui, tout lui est inspiration, énergie, élan du cœur et passion de la musique bien faite.
Les fans de Suroît sont partout, et bien que le créneau trad soit plutôt bien occupé avec de nouveaux venus, Suroît peut toujours compter sur des adeptes dans les Maritimes, au Québec, en France (Bretagne, Normandie) et en Suisse. Suroît se produisait à Québec durant son Carnaval en février, et fera sa rentrée montréalaise en mars. D’ici le mois d’août, les quatre complices partageront leur temps entre le Québec, la France et la Suisse pour essaimer les festivals de musique traditionnelle. Aussi bien dire que pour Suroît, c’est la Mi-Carême à l’année!